Arnaud a ouvert sa galerie en 2010, il y a 3 ans déjà, dans son appartement, comme l’avait fait Perrotin à Paris il y a vingt ans. C’est une stratégie commerciale de se dire, je ne dépense pas du fric, je mets tout dans la production, et je vis au milieu des œuvres – à la fois radine et généreuse. Il y a des collectionneurs qui ne comprennent pas du tout la démarche, qui veulent un espace dédié, l’art et la vie ça ne doit pas se mélanger, ça les fait douter sur la valeur des œuvres. En revanche les artistes ne s’y trompent pas, et ils sont souvent prêts à accepter les propositions d’Arnaud, qui a un relationnel assez spécial il faut dire, notamment parce qu’en parallèle d’être galeriste il est visiteur médical, il vend des anti-douleurs à base de dérivés morphiniques assez puissants, une poussée suffit, et il fait le geste, pschitt, donc dans le milieu Deschin on l’appelle « le pharmacien », ça fait bien rire les artistes. Il parle d’art comme du « produit », et en même temps il a un regard bien particulier sur les travaux parce qu’il a fait les Beaux-Arts ici à Marseille il y a bien longtemps, et aussi le sacro-saint passage chez Roger Pailhas sans lequel on ne peux pas monter une galerie à Marseille.
Il y a rencontré des figures comme Laurent Godin ou Pierre Bal-Blanc, que selon la légende il serait allé voir le jour où il s’est décidé à faire passer la visite médicale en second et l’art en premier (quand on lui demande pourquoi il avait arrêté l’art il dit d’abord qu’il voulait faire de l’argent, puis ensuite qu’il voulait une vie « rocambolesque »). Et donc Pierre Bal-Blanc toujours selon la légende lui aurait dit d’exposer tous les artistes qui passent en résidence à Astérides et Triangle France à la Friche Belle de Mai. Ce qu’il a fait, je m’en suis d’ailleurs assez vite rendue compte tellement ce conseil a été parfois pris de façon littérale mais comme on ne crache jamais sur un peu de publicité, j’ai laissé faire voire facilité bon nombre de transactions puisqu’il faut savoir qu’Arnaud parle un anglais plus qu’approximatif et qu’il envoie des emails et des textos plus vite que son ombre. D’où quelques malentendus avec certains artistes un peu attachés aux détails… ou au respect de la vie privée.
Regardez la liste des artistes avec lesquels a travaillé Arnaud Deschin : si vous êtes un vrai amateur d’art, elle parle d’elle même. Arnaud voyage beaucoup : Bruxelles, Miami, Genève, Paris, Monaco, Turin, et surtout Nice, son deuxième fief (c’est là qu’il vend ses stupéfiants). On saisira alors comment s’est constituée cette liste d’artistes : au gré des rencontres et des voyages, car Arnaud a compris que l’art c’est du social, du temps, de la discussion, de la fête, de la chaleur humaine, du sensuel, du formel, de l’amitié, mais aussi de l’intellect, du flair, de l’argent, et du réseau.
Arnaud a bien retenu la leçon des années 90, et comme l’esthétique du même nom, c’est un galeriste relationnel.
2012, Dorothée Dupuis (Curatrice / www.petunia.eu / www.terremoto.mx)
Battle 1 et Battle 2 : Véronique Rizzo versus Francisco Da Mata
.texte de Dorothée DupuisL’abstraction, fin en soi ou espéranto plastique ?
Dandysme formel ou rappel d’un monde puissamment agencé par des nécessités de communication aussi synthétiques que brutales?
Rizzo et Da Mata ne tranchent pas mais confrontent leurs deux approches dans un accrochage à la courtoisie potentiellement explosive.Vous avez déjà piloté une soucoupe volante ? Après, le sexe paraît banal. [1]La rencontre des œuvres respectives de Véronique Rizzo et Francisco Da Mata à la Galerie Arnaud Deschin s’apparente plus, malgré son titre, à un flirt qu’à un accouplement. Mais les têtes-à-têtes les plus brefs et inattendus recèlent parfois les ingrédients des relations les plus durables.L’un vit et travaille en Suisse; quand il s’agit d’une patrie imaginaire pour la seconde. En effet, l’art résolument tourné vers l’abstraction comme moyen d’expression de Véronique Rizzo a souvent laissé dubitatif ses concitoyens, plus habitués à des narrations égotiques ne faisant jamais l’économie d’une figuration à outrance. C’est alors tout naturellement qu’elle fantasme de l’eldorado abstrait suisse, de sa facilité à manier les formes, les couleurs, les énergies, dans des œuvres se passant d’explications biographiques autres que leur filiation à une histoire de l’art tournée vers l’innovation technique et la recherche dans la représentation de la perception.De son côté, Francisco Da Mata ne s’embarrasse pas de telles questions. S’il fait appel au vocabulaire de l’abstraction, c’est plutôt en raison de ses accointances visuelles avec la pop culture que par amour de la forme pure : c’est un auteur direct, pour qui le médium est le message, et les formes qu’il utilise ont vocation à faire mouche, à évoquer efficacement ce qu’il leur somme de formuler.Animés d’une radicalité visuelle impitoyable bien que mus par des buts différents, leurs œuvres se mêlent alors à la Galerie Arnaud Deschin à la manière de deux extraterrestres qui partageraient la même technologie mais pas la même culture : et les concessions, voire les politesses, que se font les œuvres les unes aux autres ne doit pas laisser oublier leur inhérente violence, leur potentiel explosif, qu’il s’agit de contenir tout en finesse dans l’espace étroit de la galerie.Ainsi, le goût de Rizzo pour les environnement s’invitera sur le plafond de la galerie, dans une prise en main musclée mais discrète de l’espace : un appel à des couleurs poudrées minimisera le découpage acéré que les formes Rizzoliennes sont capables d’infliger à un innocent cube blanc livré entièrement à l’artiste. De même, les Safaris de Da Mata tenteront d’affirmer crânement leurs gammes colorées face à cet environnement contraignant, clamant leur mise triomphale et baroque comme une force et non comme une faute de goût. On sera en outre gratifié d’autres compositions abstraites de l’un et l’autre artiste, où les notions de décoration versus design ne seront pas en reste, témoignant des positions assurées de leurs auteurs quand aux liens délicats entre art et vie, entre superflu et essentiel.Dorothée Dupuis
English version // Abstraction as an end in and of itself, or an artistic Esperanto?.A formal dandyism, or a reminder of a world powerfully organized by communication needs as synthetic as they are brutal?Rizzo and Da Mata don’t make the choice, but their approaches are contrasted in a display of potentially explosive courtesy.Did you ever fly an ovni? after this experience, sex seems to be quite normal.The encounter of The works of Véronique Rizzo and Francisco da Mata at the Gallery Arnaud Deschin could be more described, despite its title, as a flirt more than a « accouplement ».But the shortest and unexpected face to face are sometimes the base of a long lasting relationship.One of them lives and works in Switzerland, while for the other the country is more a imaginary land. In fact, Veronique Rizzo’s art – an art pushed towards abstractionOne lives and works in Switzerland when it comes to an imaginary homeland for the second. Indeed, Veronique Rizzo’s art resolutely turned towards abstraction as a means of expression has often been skeptically followed by her public, more used to egotistical narratives never making representation an excessive leitmotiv. It was then she naturally fantasies of the abstract Swiss Eldorado, about her ease to handle forms, colors, energies, in works without biographical explanations apart their affiliation to history of art-oriented to technical innovation and research in the representation of perception.For his part, Francisco Da Mata does not bother with such questions. If he uses the vocabulary of abstraction, but rather because of his visual connection with pop culture than by love of pure form: he is a straight forward author, for whom the medium is the message, and the forms he uses are intended surprise and disturb – to express effectively what he wants them to tell.Motivated by a ruthless radical visualness although driven by different goals, their works meet at the Galerie Arnaud Deschin, like two aliens who share the same technology but not the same culture: the concessions, and even the polite way, that the works have to each other should not allow forgetting their inherent violence, their explosive potential, meant to be kept in finesse in the narrow space of the gallery.Thus, the taste of Rizzo for space brings her on the ceiling of the gallery, in a forceful but discrete grip of space: a call to powdery colors minimizes the sharp structure that Rizzo’s forms are capable to inflict to this innocent white cube, fully handed to the artist. Similarly, Da Mata Safaris attempt to express their color ranges in this demanding environment, claiming their triumphant and baroque implementation as a strength, and not as bad taste.We will also be rewarded with more abstract compositions of either artist, when notions of decoration versus design will fully exist, showing the positions of his authors regarding the delicate connections between art and life, between redundant and essential.texte by Dorothée Dupuis
[1] Terry Arrowsmith, The X-Files, saison 3, épisode 20 « Le Seigneur du magma », écrit par Darin Morgan (trad. Visiontext (Sophie Perret du Cray)).