Vue d’exposition : A sip of cool, Ditte Ejlerskov and Estrid Lutz & Emile Mold, 2014 La GAD Marseille.

Ditte Ejlerskov and Estrid Lutz & Emile Mold

Ditte Ejlerskov and Estrid Lutz & Emile Mold

Ditte Ejlerskov and Estrid Lutz & Emile Mold

Ditte Ejlerskov and Estrid Lutz & Emile Mold

Estrid Lutz & Emile Mold

Estrid Lutz & Emile Mold

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« A sip of cool », Cur.by Charlotte Cosson & Emmanuelle Luciani with Ditte Ejlerskov and Estrid Lutz & Emile Mold.

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Arnaud Deschin a le plaisir d’inviter pour leur seconde exposition à La GAD Marseille, Charlotte Cosson & Emmanuelle Luciani. Elles y présentent « A Sip of Cool », la preview de leur nouveau sujet de recherche. La notion de « cool » pourrait paraître superficielle ; quand on la convoque, viennent à l’esprit surf, cheveux mouillés et plages paradisiaques. Le terme a tellement de significations qu’il a facilement été marketé. Pourtant, il réapparaît toujours à des moments de crises sociales profondes. Ainsi, c’est durant la guerre du Vietnam, qu’elle s’est le plus spectaculairement répandue, à l’échelle des Etats-Unis puis du monde. L’ordre bourgeois se voyait mis à distance, via un détachement qui remplaçait la résistance agressive. Le « Cool » est une posture. Il signifie « frais » et désigne une manière froide de réagir aux normes, à l’actualité… Qui a dit que le surf était inoffensif ?

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OPENING samedi 30 août / 16 h – 22 h

A Sip of Cool after party (Art-O-Rama VIP program)
LECLERE – MDV / PARADISE
5 rue Vincent Courdouan, 13006 Marseille – 22h – 2h
Ideal Corpus / Estrid Lutz & Emile Mold /
Manuel Fernandez / Pierre Huyghe / Camille Henrot / Takeshi Murata

Lien vers la page facebook clic here please c’est cool!

Vue de la façade de La GAD Marseille, by IDEAL CORPUS.

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A SIP OF COOL. 30.08.2014 – 30.11.14
With : DITTE EJLERSKOV, ESTRID LUTZ & EMILE MOLD
Curated by Charlotte Cosson & Emmanuelle Luciani

Le cool est d’abord un cliché : cheveux mouillés, plages paradisiaques, jeunesse… Le COOL surfe sur la vague, change en fonction des modes à la vitesse du temps qui s’emballe. C’est pourtant une attitude bien précise dont l’Histoire peut être tracée aussi loin qu’en 3000 avant Jésus-Christ dans les sociétés africaines Yoruba et Ibo[1], ainsi que dans d’autres régions du continent. La traite des noirs et l’esclavagisme ont favorisé la perduration de cette attitude de détachement, ensuite popularisée par les jazz men afro-américains à partir du début du XXe siècle. Ce que l’on pourrait nommer le cool moderne se développe à un moment de fusion, lorsqu’il s’étend à toute la jeunesse américaine via une icône unanimement acclamée : Elvis. Le COOL englobera dorénavant la notion de style et l’apparence extérieure deviendra aussi fondamentale que la recherche de liberté vis à vis des normes sociétales, sexuelles ou politiques. Le détachement et le nomadisme de la beat generation s’incarne finalement visuellement à Woodstock. Se développe alors un marché parallèle, très vite récupéré par la publicité et le marché. Le cool est marketé, chacun de ses méandres peu à peu englobés, et ce même si le look qu’il convoque change perpétuellement : hippie, punk, hip-hop, grunge etc. Paradoxalement, c’est en voulant contrer la société capitaliste que les adeptes du cool en favorisent l’accélération et la radicalisation, embrassant en cela le processus de « révolution culturelle » souligné par Jameson : la préparation involontaire de la prochaine étape du capitalisme par chaque tentative artistique de sortie de celui-ci.[2] Selon Dick Poutain et David Robbins, les libertés, l’individualisme et le désir de jeu revendiqués par les sixties ont paradoxalement favorisé la révolution économique néo-libérale de l’ère Reagan.[3] Si l’on considère que Gramsci a toujours soutenu la thèse consistant à souligner qu’une révolution politique est toujours précédée d’une révolution culturelle, le cool des années 1960 aurait été le terreau de l’ancrage et de la mondialisation de la société postmoderne. Que signifie alors la résurgence du cool aujourd’hui ?

Dans l’attitude de la danoise Ditte Ejlerskov et des français Estrid Lutz & Emile Mold s’observe un même refus de se plier aux normes conceptuelles et aux justifications imposées par les écoles d’art. La première en peignant des icônes pop afro-américaines comme Rihanna, les seconds en enfouissant leur tête dans de l’eau lors de leur diplôme aux Beaux-Arts, se privant volontairement de toute communication réelle avec leur jury. Ils s’autorisent aussi un plaisir rétinien avec une sophistication des détails propre au cool moderne. Cette notion de plaisir qui ne soit pas en contradiction avec des aspirations plus politiques est au coeur des toiles et des écrits de Ditte Ejlerskov, dont le dernier ouvrage mêle études quasi-historiographiques sur le féminisme et confession d’une consommation sans recul de la pop américaine, principalement lorsqu’elle est incarnée par des chanteuses de couleur. Un para­doxe qui n’est pas sans rappeler les deux lignes de forces a priori peu compatibles du travail du duo français : les hobbies et les catastrophes. C’est un esprit très west coast qui balaie leurs oeuvres ; le cool qu’elles rappellent est emprunt de surf, de vagues et de rochers. Pourtant, en saturant leurs surfaces de Ferrari, réacteurs ou autres bolides, ils boivent le calice jusqu’à la lie en incluant jusqu’aux dérives du cool : sa violence et sa marchandisation.
Les clichés de la consommation sont par essence appelés à être très vite rendus obsolètes. C’est ainsi un goût pour le transitoire qui transperce dans les oeuvres de ces trois artistes. Un goût pour le transitoire qui n’est pas sans rappeler celui de l’homme Baroque, dont l’attitude entretient des rapports troublants avec la notion de cool. Cet homme se déguise, regarde les changements de la Nature, vénère les détails comme les torsions monumentales, dans une philosophie de la fin qui ne soit pas nostalgique. Les objets d’Estrid Lutz & Emile Mold sont artificiellement vieillis – les carte bleues/cartes de visite paraissent au bord de l’effritement, les lenticulaires sont grattées, les collages sur pierre comme passés avec le temps. Il semblerait qu’on les ait retrouvés, dans l’eau, après qu’une grande catastrophe a annihilé notre civilisation ; catastrophe de plus grande ampleur encore que celles qui rythment leurs oeuvres (le 11 septembre, le naufrage du Concordia, les crashs aériens…). Eux dont l’oeuvre n’est que liquidité ne refuseraient pas l’idée d’un tsunami planétaire. Et nous de rappeler que La vague d’Hokusai a été réalisée une petite trentaine d’années avant l’achèvement de l’ère Edo (1600-1968), mettant fin au gouvernement des Bakufu initié au XIIe siècle.

[1] Richard Majors and Janet Mancini, Cool pose : the Dilemmas of Black Manhood in America, New York, Touchstone, 1992. p.57
[2] Jameson, Fredric, “Postmodernism, or the Cultural Logic of the Late Capitalism,” New Left Review, no.146, Juillet-Août 1984. p.53-93.
[3] Poutains, Dick, Robbins, David, Cool Rules : Anatomy of an attitude, Londres, Reaktion books, 2000. p. 160

Charlotte Cosson & Emmanuelle Luciani
La GAD, Galerie Arnaud Deschin, 34 rue Esperandieu, 13001 Marseille